REPORTAGES
Forte de mon expérience accumulée en photographie, et après une rencontre avec une journaliste clé du Magazine Indes à New Delhi, la suite logique était donc d’allier mes deux passions : l’écriture et la photographie pour documenter des instants uniques, des tranches de vies.
“Chamayavilakku, éclairer notre part de féminité »
« L’air de la nuit est doux et chargé d’humidité. Le premier quartier de lune fait pâle figure à côté des lumières multicolores qui illuminent le grand terre-plein herbeux, noir de monde. L’atmosphère est festive. Des vendeurs de cacahuètes grillées s’affairent de toute part, des bouquets de ballons où la figure de Dora l’exploratrice côtoie celle de Krishna s’élèvent vers le ciel. Des familles entières sont ici pour profiter de cette fête. Puis l’on ressent une sorte de tremblement profond qui se rapproche et s’intensifie. C’est une procession de danseurs et de musiciens. Les hommes sont vêtus d’un dhoti blanc, certains arborent des sabres et même des boucliers. Enfin, majestueusement, quatre éléphants aux défenses lustrées, portant des thidambous (sorte de bouclier ouvragé apposé sur la tête) se fraient un passage dans la foule. Des enfants en oublient un instant de manger leur glace qui fond. »
“Theyyam, danse sacrée et mystique”
« Je suis encore vêtu de mon dhoti et mon visage ne porte presque pas de maquillage. Les notes des thottams que nous chantons s’élèvent dans la nuit étoilée. Ces chansons racontent les légendes des divinités que nous incarnons dans notre theyyam. Je me concentre sur Bhagawathi, je mets tout mon cœur dans ces chants que je lui adresse. Pourrai-je pleinement entrer en transe ? La divinité prendra-t-elle possession de moi ?
Toute l’année, je suis un dalit, un basse caste, un moins que rien qu’on ignore dans la rue, qu’on croise avec dégout. Mais, pendant les trois ou quatre mois de la saison des theyyam, je deviens un dieu devant lequel même les plus grands brahmanes se prosternent. Je suis un theyyakkaran : pratiquer le theyyam est un droit dont j’ai hérité à ma naissance. »